Compagnie de Chinchon

Historique de la Compagnie de Chichon qui fit la notoriété de Crandelles.

La Compagnie de Chinchon

Le bourg de Crandelles a fourni le noyau de la fameuse société commerciale d’Espagne, dite de Chinchon , fondée au XVème siècle. Les membres qui en faisaient partie, au nombre de plus de deux cents, devaient être parents ou alliés, et l’on était admis dans la Société que sur l’approbation du conseil et du directeur. La révolution de 1793 et les troubles de l’Espagne ruinèrent et firent dissoudre cette compagnie si admirablement organisée et qui perdit plusieurs millions à cette époque.

Le commerce avec l‘Espagne avait rendu très florissante la commune de Crandelles avant la Révolution. Les bénéfices de ce commerce étaient partagés entre 80 individus environ, qui dans les derniers temps, faisaient partie de l’association de commerce de cette commune. Cette association était connue sous le nom de Société de Crandelles ou de Chinchon, ville d’Espagne où elle avait établie son principal entrepôt.

Ce Royaume comptait peu de villes considérables où il n’existait un de ces entrepôts qui fournissaient aux magasins de débit établis dans les villes secondaires.

L’origine de cette société remontait à plus d’un siècle. Elle se composait exclusivement, depuis 25 ans, des fils et des gendres des sociétaires. Pour y être admis il fallait fournir une mise financière, ou présenter une caution solvable. Chaque sociétaire, à tour de rôle, passait deux ans en Espagne et deux ans en France. La première campagne était de sept ans. Cette association, qui correspondait avec toute l‘Europe marchande, et qui n’avait jamais manqué à ses engagements, jouissait d’un très grand crédit.

Elle reconnaissait quatre chefs, qui n’étaient cependant que les premiers parmi leurs égaux, et auxquels, à raison de leur expérience, elle confiait tous les achats et sa correspondance.

La guerre d’Espagne, en les forçant d’abandonner ce Royaume et la majeure partie de leurs fonds de commerce, avait porté un coup terrible à cette association. Et par suite, à la prospérité de la commune de Crandelles. Elle chercha de nouveau à reprendre ses relations, mais elle ne put y parvenir que lentement, et les circonstances extraordinaires dans lesquelles l‘Espagne s’est trouvée placée ont influé sur son industrie, en empêchant que la société puisse jamais atteindre au degré de splendeur auquel elle était parvenue avant cette funeste époque.

Des observateurs ont remarqué que l‘émigration était en général une source de vices et de corruption dans les communes ; celle de Crandelles formait cependant une honorable exception sous ce rapport. Les enfants des sociétaires, conduits en Espagne vers l‘âge de 12 à 15 ans, y étaient élevés généralement par des ecclésiastiques respectables, et à leur retour, au bout de 7 ans, ils étaient véritablement distingués de leurs compatriotes par leurs mœurs, leur probité et leur bonne conduite.

Crandelles, « berceau de la Compagnie de Chinchon

Selon une opinion généralement accréditée, ce serait le fameux pèlerinage de St Jacques de Compostelle qui attira les cantaliens vers l’Espagne. Une des grandes voies conduisant au sanctuaire, passait en effet par la capitale de la Haute Auvergne. Les pèlerins venus surtout du Puy où ils avaient sollicité la Vierge Noire, arrivaient par le col de Cabre à Aurillac, où les restes vénérés de St Géraud et de sa mère Adeltrude faisaient des prodiges ; puis ils allaient s’incliner à Conques devant les reliques de Ste Foy ; certains cheminaient vers Toulouse où étaient celles de St Sernin, en traversant Maurs et Figeac.

Il est probable que les pèlerins furent suivis par des marchands d’Aurillac, gens audacieux qui ne craignaient pas les voyages à l‘étranger. Certains, avant de retourner dans leurs montagnes natales, durent essayer de faire du négoce en Espagne. L‘impulsion donnée au commerce par les pèlerinages, fut accrue par les relations politiques existant entre le Carladez et l’Aragon. C’est une hypothèse soutenue par plusieurs auteurs.

Pour d’autres, l’émigration vers l’Espagne dérive tout simplement de mouvements migratoires existant vers le Midi, favorisés par la similitude de langue et de mœurs. Il est d’ailleurs souligné que les relations entre l’Espagne et la Haute Auvergne sont antérieures à la vogue des pèlerinages vers St Jacques de Compostelle.. On peut alors penser que ces mouvements d’émigration et ceux des pèlerinages se seraient favorisé mutuellement. Cette émigration fut fort active au XVIII siècle et la haute Auvergne s’enrichit alors par le nombre considérable de ses habitants qui en sortaient tous les ans pour accomplir les ouvrages que les espagnols n’avaient pas coutume de faire. Par ses apports financiers, l’âge d’or de l’émigration cantalienne commence. C’est la constitution, pour une longue prospérité , des deux grandes Sociétés commerciales de Chinchon et de Navalcarneros.

La vie était rude cependant. A cheval, le ballot de marchandises sur la croupe de la bête, l’escopette à la main, le cantalien battait l’âpre campagne espagnole. Il devait s’engager à garder intact les traditions du terroir, et quiconque se mariait en Espagne était exclu de la Société de Chinchon. Les enfants étaient confiés à des prêtres français. Ces Sociétés ne cessèrent de prospérer et possédaient de nombreux magasins et comptoirs, des maisons et de nombreux chevaux et mulets. Les Rois d’Espagne eux-mêmes leur empruntaient de grosses sommes quand leur trésorerie était gênée.

Quand l’Espagne entra en guerre avec la France, son gouvernement prononça la dissolution de ces Sociétés. Après 1815 la Société de Chinchon chercha à récupérer ses biens réparties en de nombreuses propriétés dans les provinces espagnoles. Les autorités hispaniques firent en sorte que ces fonds ne puissent jamais être récupérés et en 1823 la liquidation judiciaire fut prononcée.

La disparition de la puissante Cie de Chinchon n’empêcha pas les cantaliens de poursuivre leur émigration vers l‘Espagne, exerçant divers métiers. Ils vendaient du drap, de la mercerie, étaient « chineurs » comme le poète Arsène Vermenouze, ils tenaient des buvettes ou étaient boulangers.

Cette intense activité commerciale avec l’Espagne eut un retentissement important sur Crandelles qui s’enorgueillit d’être l’un des plus beaux exemples de l‘esprit d’entreprise qui caractérise les auvergnats..